Prendre rendez-vous en ligneDoctolib

Tu me harcèles – Des Hommes sous influence

Femme magnifique, jeune et souriante, lorsqu’elle est blessée Amélie se transforme. Sa peau se ternit, son regard se baisse et ses larmes coulent. Quand elle évoque cette femme c’est toujours en pleurant. Avant sereine, aujourd’hui paniquée. 13 ans d’antidépresseurs et de peur d’avoir peur. Peur de sortir et d’être fatiguée, de perdre le contrôle, sombrer dans la folie, la peur de finir seule. Il y a 13 ans pourtant elle aurait dû être seule mais travaillait pour elle.

Par des petits mots, des regards, des intentions qui n’étaient pas toujours bonnes, Madame M. s’est emparée de l’estime de soi d’Amélie.

Alors loués soient ses médicaments qui l’aident à oublier comme elle ne s’aime ni ne s’estime. Triste à pleurer elle arrivait au cabinet il y a quelques mois déjà. Un fort dosage et une séance par semaine la faisait tenir debout et limitait ses crises de larmes à quelques-unes par jour. La dépression est la coquine copine de la basse estime de soi. Elles vont parfois de paires et sont souvent perverses dans leurs manifestations.

Évoquant Madame M., Amélie tremble et menace de tomber comme une feuille en automne, une jolie feuille orange, mais une feuille morte. Si cette dame savait, elle a tellement blessé. Plutôt discret et tellement anodin, foutu harcèlement. C’est avec tant de fierté qu’il ajoute une victime à son carnet de bal.

L’Autre peut détruire ou nous empêcher de grandir. Que ce soit entre amis ou au creux des familles. Je pense à ces personnes qui se mettent malgré elles entre ces viles mains. Cette jeune femme humiliée qui n’ose plus s’affirmer, ce jeune homme torturé au couple sans limites. Et cette femme bafouée qui boit ses médicaments.

P_20160214_074617_HDR

Lake Matheson

Sartre n’avait pas tellement tort ; les autres peuvent nous pourrir la vie.

Ainsi au-delà de blesser, parfois l’Autre nous abîme, nous tord et nous casse.

Comme ce jouet d’un enfant, lancé contre le mur. Il retombe sur le sol et roule jusqu’à ses pieds. Tel un objet sans vie alors, je subis. Je me soumets bien malgré moi. Au début j’ai lutté, maintenant résigné, j’apprends et j’attends mon heure ou son départ. Insidieusement certes, mais je le pense, c’est de ma faute. Je suis incompétent et faible et je me sens si mal. Je ne peux pas partir, personne ne veut de moi. Au fond ils ont tous raison. Je n’ai pas de valeur et je pleure pour un rien.

Beaucoup souffrent chaque jour d’une collègue trop zélée, d’un ami pervers, d’un manager mal stressé. Il y a Sophie aussi allongée comme un chien aux pieds de ses amies qui dorment dans son lit. Contre son sol froid, sans même une couverture. Ses meilleures amies, cette malveillance. Jafar et son perroquet Iago, ou Cyril et Matthieu. Que vaut-elle de plus ? Tristesse infinie.

Narcisse est parti, Amélie a perdu notion de ses qualités. En ces grâces qui font qu’elle est belle en tous sens et qu’elle mérite d’être aimée. Elle cherche alors son identité et remet tout en question. Suis-je faite pour ce métier ? Quelle est ma place? Où va mon cœur ? Si dépendante des autres. Si l’autre est heureux c’est que je lui plais ainsi grâce à lui je mérite d’être heureuse.

Tu mérites d’être heureuse car tu as la vie, oui.

Tu as du prix à mes yeux et je t’aime. Commence alors pour chacun un travail de reconstruction. On cherche Narcisse et on le valorise. On lui rappelle qu’un jour il était là au creux de ce corps et au fond de ce cœur. Qu’un jour il était fier des qualités d’Amélie et acceptait ses défauts. Il mérite d’être ici et de veiller sur elle. Il s’est laissé chasser par cette Dame M.  qui lui semblait trop grande.

Forêt de Kauris

La Majesté du Kauri

Enfin Narcisse rejoint Amélie, alors on parle de cette femme. Cette liane qui l’étrangle. Au début c’est fragile puis un jour elle assume. Cette femme est son bourreau.

Animée d’un désir de guérir, Amélie va changer d’habitudes, se confronter à ses évitements qui alimentent sa peur. Elle va retourner dans cette rue où se trouve la boutique, elle y va en voiture, chaque dose en son temps. La peur montre son nez mais Amélie la gère. Puis cette peur se lasse et la laisse pour une autre. Certes elle reviendra, mais elle repartira comme la dernière fois. Le dosage diminue, Narcisse s’installe.

On va se confronter pour s’habituer et s’habituer à se confronter. On apprendra ce que l’on redoute et maîtrisera ce que l’on refuse.

Amélie pleure de joie aujourd’hui au creux du canapé. Elle se sent repartir vers sa reconstruction. 13 ans de médocs aujourd’hui c’est fini. Tout n’ira pas bien comme dans les contes de fée, mais tu peux mener ta vie et faire tes propres choix.

Moi, le psy, me vois dépeindre ces panneaux de vies. J’entends ces extraits du monde où « l’Homme est un loup pour l’Homme ». Mon cœur fond parfois devant tant de tristesse et d’amours malveillants. Je ramasse peu à peu ces quelques lambeaux d’égo, et les remets patiemment à ses propriétaires. Je relie chaque jour le positif à l’intrinsèque, au personnel. Réconcilie l’intime avec le social, dissocie le normal de l’impensable. Parfois la colère me submerge face à ces bourreaux anonymes dont je me laisse décrire la torture, puis la beauté de la vie efface les blessures. La neutralité et la bienveillance me rattrapent et me soufflent ces mots qui soulagent.

Quel magnifique rôle que de dire à mon hôte que le meilleur reste à venir. Qu’il oublie la chaleur de la lumière face à la froideur de l’Humanité. Lui montrer comme il peut, par des petites actions reprendre le contrôle. Qu’il est beau quel qu’il soit.

Commencer à passer devant cette boutique c’est dire j’ai souffert mais vois comme je suis fort toi qui me rabaissais. Tout comme dire « Non » ce soir à cet ami c’est commencer à faire ses propres choix, à respecter sa vie, à s’aimer un peu mieux.

Voilà un an maintenant que cet article s’écrit. J’aurais pu le laisser et parler d’autre chose or c’était de cela dont je voulais parler. Des Hommes sous influence, voilà ce que nous sommes. Le jour où je dis stop et fais mes propres choix est un jour heureux. Je comprends mieux alors le prix de cette vie que je n’ai pas voulue et décide de choisir le reste de ma vie.