Ce matin je pense à une femme. Photographe très engagée dans une cause qui l’émeut, elle me parle de ces femmes réduites en esclavage qui se donnent la mort et que personne n’écoute. Elle me dit vouloir avancer et parler de son reportage, le diffuser, montrer ces femmes dont la souffrance est niée. Quand je la vois en parler j’ai envie de voir ses photos, voir ce pays que je ne connais pas et ces femmes qui doivent être magnifiques malgré leurs souffrances.
Elle vient pour du coaching, mais comme cela arrive parfois, préfère l’aide d’un psychologue. En effet, le coach aide à atteindre l’objectif, en aidant notamment à passer dans l’action. Or cette femme est déjà dans l’action, elle fonce, mais aveuglément. Elle fait les choses dans la souffrance. Et appelle à l’aide pour panser ses plaies et évoluer sereinement. Rapidement, par les séances, on avance.
Quand on est psychologue on écoute, on observe mais parfois connaître la personne nous manque. On comprend petit à petit la personnalité, on connaît l’histoire, la gestion des émotions, des événements. Ce qui la fait rire et ce qui l’agace. Parfois on sent des choses, on perçoit des qualités qui pourraient nous plaire sans pouvoir les toucher du doigt. On aide des personnes que l’on apprend à connaître et une fois que c’est fait elles partent. C’est un peu comme ces rencontres éphémères sur le quai d’une gare en attendant le train, dans une salle d’attente, un magasin. J’aime n’être qu’un passage. Mais parfois c’est vrai, j’aimerais profiter un peu plus de mes patients, de leur beauté.
Je pense toujours à cette femme et à ses photos. Elle a parcouru tant de pays, vu tant de choses que j’ai l’impression de les vivre à travers elle. Je me mords les lèvres pour ne pas lui demander d’apporter quelques photos. Confiante, elle continue à parler et au fil des séances elle prend conscience de son blocage, de ce qui l’empêche de finir ce reportage en lui donnant vie, en le communiquant. Diffuser son reportage serait clore le sujet, tourner la page de ce pays. Sauf qu’elle a vécu là-bas, aimé et perdu aussi. Elle ne peut pas laisser ces tombes dans ce pays, les abandonner en passant à autre chose. On parle alors de ses deux deuils. De ses émotions qu’elle rejette quand elles arrivent. De ces personnes qu’elle a aimées et qu’elle ne veut pas laisser partir.
Elle me fait penser au texte de Jacques Salomé, psychosociologue, dans son livre Le courage d’être soi :
« Le courage d’être soi va se révéler à nous au travers d’une succession d’épreuves. Il devra se nourrir à des racines autour de la confiance en soi, du respect de l’ex-enfant qui est en nous, de la responsabilisation pour l’adulte que nous sommes devenus.
Et pour cela nécessiter un nettoyage de la tuyauterie relationnelle avec notre passé, un lâcher prise sur les ressentiments, les regrets, les amertumes ou les accusations sur les personnages clés de notre histoire.
Le courage d’être soi suppose d’aller au-delà des loyautés invisibles, des fidélités qui nous enferment pour accepter d’oser sa propre vie, sans se sentir coupable de la vivre à temps plein. »
Cette femme veut être fidèle à ses amis perdus or aboutir ce reportage pour elle c’est leur dire Adieu. On est tant fidèle aux êtres chers disparus qu’on se sacrifie en leur nom. On ne se donne pas le droit de continuer à vivre. Les pleurer leur permet de vivre à travers nous.
Si je vous parle de cette femme c’est parce que chaque rencontre me touche. Celle-ci également. Des personnes endeuillées, j’en croise et en ai croisé un certain nombre. A chaque fois ce sont des moments magiques. Certes je vois la personne souffrir, puis si elle me le permet, je l’aide à se relever, à voir du beau dans l’avenir. Les larmes montent ou les yeux s’humidifient et je ne suis pas épargnée.
D’abord souffrance le deuil devient peu à peu beauté. L’être perdu peut renaître à travers notre vie et l’acceptation de nos émotions.
Certains communiquent à leur façon avec cette vie qui n’est plus. On fait appel parfois à la religion qui nous relie à l’esprit, au dépassement de soi. Car le deuil s’étend comme une ombre sur notre épanouissement. On le connaît mal ce deuil, on ne se doute même pas qu’il est devenu blocage dans différents domaines de notre vie. Et quand on est prêt, on affronte les émotions, au quotidien. On sort comme d’un déni et on se prépare à un avenir meilleur. Car on se rend compte que l’on n’a pas tout à fait accepté ce qui est arrivé, et alors, là, le travail commence.
Et vous? Avez-vous eu à surmonter un deuil? Comment l’avez-vous géré?
Bonjour ! Cela fait quatre ans que mon mari est “parti”. J’ai donc mis quatre ans à sortir des de mon hébetement. Et de la bataille contre la maladie que je menais à ses côtés. J étais si sûre qu on allait gagner ! Je sais aujourd’hui vers où je dois aller. Je viens de passer une période infiniment difficile pendant laquelle j avais perdu toute forme de concentration, pendant laquelle je ne savais pas où aller. Et pendant laquelle on sait qui nous entoure. Mon mari sera toujours là mais j’ai compris qu il fallait que je continue ma route, autrement, ailleurs. Ce qui est passé est sacré mais appartient au passé. Il faut que je me construise un autre bonheur qui fera également le bonheur de mes enfants qui n attendent que cela pour moi. “profites Maman maintenant” m ont ils dit. Nous sommes liés par le coeur et le souvenir mais ils m encouragent pour la suite… Merci d avoir lu min message.:-)
Bonjour Marie. Merci pour votre beau témoignage. Je suis heureuse que vous ayez trouvé ce vers quoi aller maintenant. Vous avez su redonner du sens à votre vie même si cela a été long et douloureux. Je vous souhaite une magnifique nouvelle vie avec votre autre bonheur à construire.
Bonjour
j’ai ma nièce de quatre ans qui dit à sa mer de me maquiller ,quand arrive le moment des repas elle veut s’asseoir sur la chaise du bébé,est elle mets un bavoir et dit je ne sais pas marcher et pleure tout le temps ,je vous signale que sa mer est enceinte de six mois et attends une petite fille.
quelle est votre analyse s’il vous plait
merci d’avance
Bonjour Monsieur,
Je vous remercie pour votre demande. Il m’en faudrait un peu plus pour savoir ce que doit sûrement penser votre petite nièce. Quoiqu’il en soit elle a la réaction saine et normale d’une petite fille qui va voir une autre petite fille prendre sa place de petite dernière auprès de sa maman (Est-elle la petite dernière?).
Elle semble régresser afin d’attirer l’attention de sa maman sur le fait qu’elle est petite et qu’il faut toujours prendre soin d’elle et lui apporter l’amour dont elle a besoin.
L’attitude à adopter par la maman (et l’entourage) est certainement de rassurer votre petite nièce en l’assurant de l’amour, l’affection et la présence de sa maman et de ses proches auprès d’elle malgré la présence de la future petite soeur. Vous pouvez également la responsabiliser dans la future naissance. Ainsi elle ne sera pas mise à l’écart mais participera à ce futur heureux événement. Lui dire qu’elle va être une grande soeur et qu’elle va pouvoir être aux côtés de maman pour vivre ces moments.
J’espère avoir commencé à vous apporter des éléments de réponse. Si vous souhaitez poursuivre cet échange, je vous invite à me contacter par mail. Merci!
Bonjour Madame Dussauge
J’ai déjà participé à un autre débat sur le thème”je quitte ma psy”.
J’ai beaucoup aimé votre sens d’analyse c’est pour cela, qu’aujourd’hui,je reviens vers vous pour vous parler de ma terrible douleur. Avant tout,je tenais à vous dire que j’ai pris rdv chez une psychologue(une autre que celle que je consultais déjà),mais je doute fort du résultat!
Ce premier novembre,alors que j’étais en visite chez mes parents à l’étranger,tard dans la soirée le téléphone sonne.Au bout du fil,mon mari en larmes hurlait qu’un malheur était arrivé dans notre petite famille.
Ma “fille” mon bébé de 22 ans que je chérissait tant s’était…
Elle s était donné la mort. Elle avait décidé sagement de partir sur la pointe des pieds, sans rien dire à personne, sans attendre mon retour,sans un dernier baiser juste nous laissant un mot d’amour.
Depuis ce jour c’est le néant.Je m’étais interdit de manger ,car elle ne mangeait plus cela a duré cinq jours jusqu’à ce qu’elle soit enterrée.J’ai du manger car ma soeur ne voulait pas me quitter tant que je ne l’avait pas fait.
Je voulais mourir et je le souhaite toujours.Mais une amie m’a dit que si je décidais de la rejoindre,je ne me retrouverais pas forcément à ses côtés.
Mon fils, deux jours après les obsèques a eu un contre choc.Alors que s’était lui qui nous portait il s’est retrouvé confronté à l’absence de sa soeur avec qui il avait tant partagé. Il est hospitalisé dans une clinique afin de se reconstruire.
Pour moi c’est une double peine, nous lui rendons visite régulièrement et feignons d’être bien pour ne pas lui montrer notre grande peine. Puis ,lorsque nous rentrons à la maison je m’accorde ce temps avec ma petite “Anais”et je laisse couler mes larmes.J’ai mal au plus profond de mon être;physiquement,mentalement et moralement.
Plus rien ne me fait envie,je ne sais pas quand et comment vais je reprendre le travail.Mes collègues souhaitent venir me réconforter,mais même leur compassion et leur gentillesse toutes légitimes ,me semblent être une agression.
Sa chambre est là au fond du couloir,tout y est figé comme si elle allait revenir.Elle avait de l’amour à revendre,passionnée de photo et de chevaux. Elle cherchait dans sa petite vie(bien remplie),”le parfait “,ignorant que cela n’existe pas.Elle a décidé ce premier novembre 2018 d’aller voir ailleurs si elle pouvait le saisir.
J’ai encore très mal en écrivant ces quelques lignes,mais j’espère qu’elle a trouvé cette quiétude à laquelle elle aspirait tant.
Avant, j’avais peur de vieillir, aujourd’hui je compte les années;les mois; les jours,les heures … qui me séparent d’elle et j’ai hâte d’être à ses côtés.
Merci de m’avoir lue.
Chère Marina, tout d’abord sachez combien je suis désolée de ne vous répondre que maintenant. Votre perte est dramatiquement difficile et dure à imaginer pour un parent. Je comprends tout à fait votre attitude de cesser de manger, de vouloir mourir. Quelle tristesse quelle peine que de perdre un être si cher et de façon si violente et soudaine. Rien ne vous y a préparé et c’est une grande partie de la difficulté du deuil que vous devez faire, cette violence. Votre amie a eu une belle réaction rationnelle de vous dire que vous ne vous retrouverez pas à ses côtés, cela dépend des croyances de chacun en réalité. Quoiqu’il en soit vous avez de la peine et souffrez et ce qui va vous permettre de vous sentir mieux et déjà de retrouver des sources non pas de plaisir mais déjà de mieux être, pour vous retrouver dans un état plus neutre que déprimé et petit à petit de retrouver le sourire avec des moments de plaisir. Vous avez raison d’espérer qu’elle ait trouvé sa quiétude car en effet cette solution paraissait comme une bonne issue à votre chère Anaïs. Et elle a eu du courage pour le faire. Je ne sais pas vraiment ce que je peux vous apporter car je ne sais pas à quel stade vous êtes de votre travail sur vous. D’instinct je vous conseillerais de prendre soin de vous comme Anaïs le souhaiterait. De chercher au plus profond de vous vos ressources, votre conjoint? un animal de compagnie? Une association? un sport? un travail qui vous plaît? Un loisir? De chercher tous ces moments qui étaient bons avant et d’essayer chaque jour de vous les ré-approprier. De continuer à penser à Anaïs quand vous le pouvez et de vous rappeler autant ses qualités que ses défauts, de vous réapproprier tous les moments que vous avez partagé avec elle. Ses bêtises, ses prouesses. C’est peut être difficile au début, surtout de le faire seule, mais accompagnée c’est souvent plus faisable. N’ayez pas peur pour le début de ces moments si durs de continuer à lui parler, de faire comme si elle était parfois toujours là. Economisez-vous et ne culpabilisez de rien, ni dans votre attitude maintenant, ni dans celle passée. Nous mettons nos enfants au monde, leur vie ne nous appartient pas. Ils appartiennent à la vie elle même comme dirait Khalil Gibran auteur que j’aime tant. Vous avez permis qu’elle vive déjà 22 années peut-être pas toutes belles certes mais rappelez-vous ses sourires que vous lui avez causés, ses apprentissages que vous avez permis. Et surtout, vivez, pas juste dans le faire mais dans l’être. Sortez vous balader et sentez ce vent, voyez cette neige, écoutez ce silence. Sollicitez tous vos sens pour vous ramener dans le réel, dans ce que vous êtes et non ce que vous pensez. Quand notre esprit prend le contrôle on ne vit plus, seules nos pensées nous guident. On est vivant quand on touche une orange et qu’on la… Lire la suite »
3h30. Comme toutes les nuits, depuis, le sommeil m’a quittée. Mes réveils nocturnes me rappellent douloureusement qu’elle n’est plus là. Cette douleur m’étreint le cœur et m’empêche de dormir. Alors je quitte mon lit pour,un moment la rejoindre. Je lui écris ! Je ne dirai pas que cela me fait du bien, mais je lui parle à ma manière. Malgré l’envie de partir aussi pour , peut-être la retrouver ou simplement arrêter de souffrir, je me raccroche à des bouées de secours que me lance mon entourage. Il me reste un fils et je ne peux pas lui infliger une deuxième souffrance. Je lis alors, tout ce qui se rapporte au suicide ; “Christophe Fauré”,” Katia Chapoutier” et maintenant le livre d’un prêtre Suisse” Joël Pralong”. C’est pour moi une thérapie partielle car j’ai cessé d’aller en consultation chez une thérapeute, pour continuer il aurait fallu que je trouve quelqu’un de spécialisé dans la problématique du deuil après suicide, car la culpabilité est très présente. Ce sentiment de n’avoir pas pu, pas su protéger mon enfant. Je ne pouvais pas continuer à consulter juste pour parler, j’avais besoin que l’on me parle aussi, que l’on me rassure. Je suis rentrée en contact avec une association,” Jonathan pierre vivante” je vais me rendre à un groupe de paroles. Je me suis ,par ailleurs, renfermée dans une bulle dans laquelle je suis dans un silence total. Seules quelques personnes sont autorisées à la percer pour y pénétrer. Après le départ de ma fille, trop d’actes, trop de paroles m’ont blessée. Cette bulle me protège des personnes qui ne comprennent pas la souffrance de ma fille et la mienne actuellement. Tout ce que vous me dites est très beau, je ne regrette pas de m’être confiée à vous. Malheureusement, il est peut être encore trop tôt pour apprécier à nouveau le champ des oiseaux, le soleil, la pluie et tout ce que la nature a de plus beau car elle n’est plus là pour partager toutes ces belles choses avec moi. Lorsque je vais, quelques rares fois marcher, seule souvent, c’est une véritable peine qui m’envahit. La dernière marche que j’ai faite, alors que mon mari et mon fils s’étaient assoupis, j’ai marché en pleurant puis la pluie est venue accompagner mes larmes je suis abritée sous l’arche d’une porte et je me suis sentie seule au monde. Seule mais paradoxalement bien. J’étais avec elle. Je reprends le travail bientôt, après un peu plus de trois mois d’arrêt. J’appréhende mon retour même si au travail, je sais, je serai bien entourée. Dans cette épreuve des collègues se sont rapprochés de moi. Je crains d’affronter ceux que je n’ai pas revus depuis un moment. Je crains leurs paroles qui pourraient raviver ma douleur et j’ai peur de ne pas pouvoir gérer mes émotions. J’ai tout simplement peur de ne pas y arriver. Je lutte pour survivre, cela demande une énergie incroyable, indescriptible. Je lutte en me disant que je ne suis pas sortie d’affaire… Lire la suite »